Je prends toujours plus plaisir à imaginer qu’à vivre. Dans un rêve, tout est possible, tout est permis. Tout est mieux fait, on est sur de soi, on est aimés. On est quelqu’un. Evidemment qu’on est quelqu’un, puisqu’on est le héros du rêve.
Au collège, pour les rédactions, on m’écrivait « tu suis bien les consignes, mais cela manque d’imagination », à chaque fois. J’avais de bonnes notes, pour avoir suivi les règles. J’ai toujours très bien obéi, quand ça me tenait à cœur. Et avoir des bonnes notes, ça me tenait à cœur. Mais pour ces rédactions, je restais très, trop scolaire. Je n’avais peut-être pas encore découvert ce bout de ma personnalité : j’ai une imagination débordante. C’est surtout que j’avais peur de transmettre des choses personnelles. Parce que je crois maintenant que pour écrire quelque chose de bien, il faut y mettre son cœur. Et en y mettant son cœur, on y laisse un bout de soi, parce qu’on parle de soi. Je ne comprends pas encore comme des écrivains peuvent prétendre inventer des personnages complètement extérieurs à eux, complètement différents, complètement inventés. On n’invente rien, on crée des liens, on imagine, on extrapole. Peut-être que des écrivains vieillissent, et qu’ils changent, leur vécu se densifie, ils ont des choses différentes à raconter. Mais je crois vraiment qu’on donne aux personnages qu’on crée des aspects de notre personnalité.
On ne peut pas créer, imaginer, quelque chose de nouveau. Si notre personnage ne s’inspire pas de nous, alors il s’inspire de nos amis, des gens qu’on connait, qu’on a vus ou entendus, qui sont déjà passés dans notre cerveau.
Alors on me reprochait mon manque d’imagination. J’avais peur d’y mettre mon cœur, et de trop en faire, de trop en donner, et de ne pas en être suffisamment satisfaite. Parce que donner sans recevoir, je sais pas trop faire. J’aurais eu envie qu’on lise ma rédaction, et qu’on la relise, et encore, et qu’on me glisse, pas devant toute la classe, mais en aparté, que je devrais écrire plus. Mais j’osais pas, et on m’avait pas vraiment dit qu’en classe et en dehors, on doit être la même personne.
J’l’ai compris en philo, en terminale, je crois. J’écrivais pour moi, et plus pour le prof. J’écrivais ce que je pensais, quelques fois, et plus ce que le prof voulait lire. Et peut-être que c’est évident pour certains, mais ça ne l’a jamais été pour beaucoup.
En tout cas, j’ai toujours autant besoin qu’on me félicite. Et je crois que ce n’est pas seulement pour l’écriture, mais dans tous les domaines. Et je crois que tout le monde est pareil. Tout le monde voudrait être valorisé pour les choses qui lui sont importantes.