Mercredi 21 novembre 2007 à 17:11
Sur le banc des accusés je regarde amusée le zeste d'ironie dans les yeux de ma voisine. Une voisine pas comme les autres, une autre qu'attend son jugement, déroutée par la signalisation de son devoir de se rendre à la barre. La belle, qu'était perdue dans ses pensées, se réveille d'un sursaut et se lève ennuyée.
"Quel besoin aviez-vous de me réveiller, au moment où dans ton mon être je me sentais comme isolée, seule parmis toutes ces chaises occupées de fesses dont on voit qu'elle n'ont plus servi depuis des années ? Comment osez-vous m'arracher de mon someil ? J'étais dans une clairière perdue au milieu d'une forêt, dans les Alpes ou près de Paris je ne sais plus, mais en tout cas il n'y avait que le chant des oiseaux et le bruit d'une rivière qui me bercaient tendrement. Voilà maintenant que mon voisin de droite me pousse violemment, pressé d'en finir à son tour. "
Cupidon se tient à présent devant elle, ou plutôt elle s'est déplacée jusqu'à se tenir en face de lui. D'un geste de la main il demande à son associé de se rapprocher doucement de l'accusée. Au loin, des milliards d'hommes et de femmes regardent plein d'espoir.
"Vous avez aujourd'hui dix-huit ans, mademoiselle, et au nom de la loi, je vous déclare majeure. Mon associé va à présent poser la main sur votre coeur et ressentir les plus cachés de vos désirs. Puis, brièvement, les centaines d'hommes et de femmes derrière vous seront passés en revue dans le cerveau de mon associé. S'il tilte avant la fin, quelqu'un se présentera et vous repartirez ensemble. Sinon, il sera convenu une arrestation de durée indéterminée. Nous attendrons que l'homme ou la femme correspondant à votre coeur atteigne l'âge."
Le discours est bien rodé. Cupidon ne bafouille plus comme autrefois, à ce qu'on dit. Alors l'associé pose sa main qui parait chaude sur la poitrine de celle qui était ma voisine, et ferme les yeux. Des spasmes s'emparent de son corps et quelque minutes plus tard un homme d'une vingtaine d'années se présente, avec un sourire qu'on ne saurait décrire. Le couple est pressé de s'en aller.
Les secondes s'éternisent, j'ai peur, tout de même, de passer une vie en prison. Mon nom est prononcé, je me lève et Cupidon entame son discours.
"Vous avez aujourd'hui dix-huit ans, mademoiselle, et au nom ..."