Scène absurde.
Réconfortante ? Je ne saurais dire si le sentiment qui anime mon coeur est rassurant, ou, au contraire dévastateur.
Quel traitre, me prendre ainsi par suprise. Recommençons à zéro afin de mieux pouvoir comprendre.
Il faisait froid. Froid, froid, froid, froid, froid dehors, froid dans mon corps, froid dans mon coeur. Le monde était gelé. J'avais hâte de rentrer chez moi. J'attendais nerveusement le bus en tapant du pied distraitement. Je ne regardais pas les gens qui se trouvaient autour de moi. Je ne les regarde plus, ils m'ont trop déçue. Que de larmes versées à cause de ces misérables pantins inutiles à l'humanité. Non. Je ne les regarde plus. Je feint l'indifférence, je me cache derrière cette image, la femme forte qui se relève après les coups, visage dur, masque de fer.
Peu importe.
Le bus arrive. Soupir de soulagement derrière mon écharpe. Cohue fatiguante à laquelle je participe pathétiquement tout en faisant l'innocente.
Je suis en milieu de file.
Un bus est une bien étonnante chose. Hormis les discussions entre amis, il y règne un climat fascinant. Tout le monde semble malheureux, sourires forcés aux chauffeur et regards dans le vide. Les gens sont liés, tous plongés dans leurs pensées, leur univers. Personne ne se parle, et tout le monde se comprend.
Toujours est-il que lors de mon entrée transparente dans cette bulle, je m'avançais vers le fond afin de ne pas être dérangé par un quelquonque évènement extèrieur.
Bien mal m'en pris.
Je remarquai mon bonheur, les yeux brillants quand, soudain, ce fut la chute. Mes yeux étant passés du siège espéré à la personne assise à coté, je ne put que rester bouche bée.
Le monde était flou pour moi, tout ce que l'on m'avait enseigné sortait de ma tête pour que je puisse me concentrer sur cet homme.
Je secouai la tête. Il ne me reconnaîtrai sûrement pas, si c'était lui. Comment en être sûre ? C'était décidé, je ne chercherai pas plus loin. Je ne replongerais pas dans ce gouffre interminable. Je ne rentrerai plus dans cette prison d'argent, aussi enchantée soit-elle. Pas de mon plein gré. Plus jamais. Pas comme ça.
La panique m'envahit, pourtant, exaltée par une force inconnue, et je m'avançait vers la place maudite. Celle qui avait le pouvoir de me faire replonger en enfer. Etais-je en train de commettre la plus grande erreur de ma vie ? Je ne sais pas, car maintenant que je me trouve à coté de lui, je vois. Je reconnais la personne que j'ai observée pendant tant de temps. Sa main. Impossible de s'y méprendre.
Deux ans que je n'avais pas vu cet incroyable visage. Quel choc magnifique, je me tais, fascinée par cette incroyable découverte, inconsciente quand aux conséquences de cette tragédie. Je te regardes, je t'observes, je ne perd pas une miette de toi, tout dans l'art de la dérobée, je te dévisage, je fais l'inventaire de tout tes changements, tout ce qu'il te reste, tout ce qu'il me reste. Je ne peux agir autrement, je suis en transe, et toute ma folie ressurgit brusquement, tout ce que je tentais de cacher au plus profond de moi ressort, comme quelque chose que l'on aurait mal digéré. Je gerbe ma passion, j'ai des hauts le coeur, je tremble, j'ai chaud, j'ai froid, et toi, tu es là. Et toi, tu ne vois rien.
Tu regardes le paysage, tu écoutes ta musique toujours aussi stupide, batant la mesure. Au fond, tu n'as pas changé, et tant que tu ne changeras pas, tu m'appartiendras. Je ne supporte plus ta présence, je ne sais plus où j'en suis.
A un moment seulement, tu tournes la tête. Surprise, je n'ai pas le temps de cacher mon visage de tes yeux, tu me vois. Et tu tournes la tête.
Tu tournes la tête.
A mon tour de sentir ma tête tourner, et mon coeur défailler.
Appaisement, je descend au suivant. Je me lève précautioneusement, faisant attention à ne pas te toucher, si ce n'est te froler. Mais voilà que, à ton tour, tu te lèves. M'aurais tu reconnue ? Je n'ose y croire, pourtant, c'est ce que je fais, m'exposant à une nouvelle désillusion te concernant.
Cela fait si longtemps que je ne t'ai pas vu, ma passion ayant ravagé notre bien faible amitié.
Je descend. Vas tu me parler ? Ô, faites que oui.
Tu me suis. Je m'arrête, pour pouvoir vérifier mes espoirs. Tu me regardes.
Tu passes
à coté de moi sans sembler me voir. Je suis invisible à tes yeux, tu continues ton chemin, sans te douter que tu viens une nouvelle fois, de briser ma vie. Vaine conspiration contre mon coeur, je continue mon chemin, te suivant. Tu traverses la rue. Tu salues quelqu'un. Cette personne est une fille. Je la connais. Peut-être êtes vous simplement amis, il le faut ! Je sais que je vais me détruire encore plus dans deux secondes, seulement je ne peux m'empêcher de rester sur place, à vous regarder. Tu la prends par la taille. Tu t'avances vers elle. Vous vous souriez. Tu l'embrasses.
TU L'EMBRASSES.
Comment as-tu osé ? Comment peux tu me tuer ainsi, une nouvelle fois ? Je me consumme lentement sur place, je souffre, ma vie est dissoute, moi qui avait tout fait pour t'oublier, te rayer de ma vie ! Tu t'en vas, ta main dans sa main avec cette fille. Je pars en courant. Je retraverse la rue. Tu ne me vois pas. Tu ne m'a jamais vue. J'apperçois un bus qui file en ma direction, à vive allure. Qu'importe. Je suis déjà morte.
On me percute. J'entend des cris. Le bus m'a t-il tué ? Non. Je suis morte de mon plein gré. Je sais qu'il n'est pas là. Je meurs seule, dans le froid, le coeur en miette et sans espoir. Je te vois. Tu ne me vois pas.
- Reviens !
Tu ne me vois pas. Je n'existe pas. Je ne suis rien pour toi.
Ainsi se termine ma vie, après des années de destruction, j'ai fini par achever ce que tu avais commencé. Il m'avait semblé, au début, que tout pouvait se passer entre nous. Je me suis malheureusement trompée. J'aurais aimé vivre avec toi, j'aurais aimé t'aimer à la folie, et que tu m'aimes de même. Et là je meurs, sur du béton tuée par le destin, seule, sans toi, abandonnée par mon cœur.
Je ne suis rien pour toi.